L’huile de palme comme produit de consommation de masse

Les produits dérivés de l’huile de palme sont principalement destinés à être consommés en Chine, en Inde ou dans l’hémisphère nord. Ce constat pose la question de la politique des grandes entreprises liées au commerce de l’huile de palme : quel est le bon compromis entre l’augmentation des marges (qui passe par un prix de revient minimisé), et la « bonne réputation » du produit en vente (qui passe notamment par sa certification) ?

 

Les politiques diffèrent très largement, comme le montre le classement du WWF* [1]: certaines grandes entreprises, comme Unilever, on fait le pari d’une huile 100 % certifié, et sont ainsi en tête de classement. Ce pari apparaît pour beaucoup comme risqué  :

 

il faut en effet savoir que la certification CSPO* augmente sensiblement le coût de production (de plusieurs dollars la tonne) tandis la crédibilité du label est souvent mise en doute. Ainsi, les premières certifications ont suscité l’indignation de la part d’ONG, tout particulièrement Greenpeace*, qui a dénoncé une inadéquation entre ce que certifiait le label et la réalité sur le terrain [2].

Par ailleurs, dans de nombreux pays (dont la France), il n’est pas imposé de faire figurer sur l’emballage d’un produit la présence d’huile de palme (mais seulement la présence d’huiles végétales) : cela peut rendre la labellisation et les coûts qu’elle engendre encore plus futiles aux yeux de nombre d’entreprises.

 

C’est donc la pression des ONG qui va faire pencher la balance, et convaincre certaines entreprises de se lancer dans l’huile de palme certifiée. En effet, comme le confirment plusieurs experts (vers l’entretien avec une chercheuse en sociologie), l’acharnement des ONG peut « détruire » une marque, ce que des grands groupes comme Unilever ne peuvent se permettre. La vidéo ci-dessous illustre bien la violence des attaques que les ONG (ici Greenpeace) peuvent lancer à l’encontre de certaines marques liées à l’industrie de l’huile de palme.

Malgré tout, la réalité de la certification est plus complexe qu’elle en a l’air, notamment parce que tous les grands groupes sous-traitent leur production. C’est ce qu’explique G.Neath, du service communication d’Unilever [3]:

 

« But Greenpeace wanted Unilever to go further, and stop buying palm oil form producers the NGO believed were breaking the law. It wanted the company to convince suppliers to behave better by threatening the loss of a big contract. So Unilever looked into its supply chains. The news was not good. We found that, in one way or another, all of our suppliers have technically infringed either RSPO standards or Indonesian law. It isn’t as easy as saying just pick the best, we can’t. We are not in a position to do that. » (Greenpeace voulait qu’on aille encore plus loin, en arrêtant d’acheter de l’huile de palme aux producteurs qui, aux yeux de l’ONG, ne respectaient pas la loi. Greenpeace voulait que la compagnie réussisse à convaincre ses fournisseurs d’adopter une meilleure politique, en les menaçant de perdre un gros contrat si elles refusaient. Unilever commença alors à s’intéresser de près à ses fournisseurs. Les résultats furent alarmants : nous nous sommes rendu compte, que d’une façon ou d’une autre, tous nos fournisseurs avaient soit enfreint la loi indonésienne, soit n’appliquaient pas les critères de la RSPO. Ce n’était donc pas aussi facile que de dire « ne gardez que les meilleurs ». Nous ne pouvions pas. C’était tout simplement impossible).

 

Ainsi, produire de l’huile de palme certifiée est tout sauf simple, même pour les entreprises faisant preuve de bonne volonté. Par ailleurs, il faut garder en tête que le concept même de produit durable est très occidental : ainsi, les consommateurs des pays asiatiques ne se sentent pas concernés par l’impact écologique de l’huile de palme qu’ils achètent. Par conséquent, l’Inde et la Chine n’achètent pas d’huile de palme certifié : les producteurs certifiés peinent à vendre leur huile plus coûteuse, comme le montre la vidéo suivante :

 

 

 

 

*WWF -World Wild Fund (Fonds Mondial pour la Nature) : ONG environnementaliste œuvrant pour la protection des espèces en danger, la préservation des ressources naturelles et des écosystèmes, ainsi que la promotion d’une transition énergétique respectueuse de l’environnement.

*CSPO– Certified Sustainable Palm Oil (Huile de palme certifiée durable) : label proposé par la RSPO. Parmi les critères à respecter: préservation de l’environnement, garantie de bonnes conditions de travail…

*Greenpeace : ONG environnementaliste luttant dans des domaines aussi variés que la déforestation, le nucléaire ou la protection des océans, d’abord par l’enquête et la concertation, puis l’alerte au grand public via des actions, souvent médiatiques – et médiatisées – qui visent à faire pression sur les industriels.

 

 

[1] WWF, Palm Oil Buyers Scorecard (2013)

[2] Greenpeace, United Plantations certified despite gross violations of RSPO standards (2008)

[3] The Economist, The other oil spill: The campaign against palm oil (2010)