La plupart des plantations, que ce soit en Asie du Sud-Est ou en Afrique sont situées dans des zones reculées [1] : cela implique que les travailleurs doivent nécessairement vivre à proximité de la plantation. Les conditions de travail dans ces plantations ne s’évaluent pas seulement selon des critères classiques – comme le nombre d’heures maximal ou le salaire journalier minimal. Au contraire, elles englobent aussi les conditions de vie des travailleurs à l’extérieur de la plantation, et les infrastructures disponibles, par exemple la mise à disposition de logements ou de moyens de transport.
Ce constat pose la question de la définition de « bonnes conditions de travail » : en effet, il est en théorie possible de respecter tous les critères légaux tout en étant dans une situation « d’esclavage moderne » : c’est notamment le cas lorsque le travailleur n’a pas les moyens physiques de quitter la plantation. C’est ce que montre un article du Jakarta Post, publié en 2008 [2]:
« [workers] They are placed in isolated barracks with no access to transportation, making it impossible for them to leave the plantations. »
([les travailleurs] vivent dans des barraquements isolés des routes : ils ne peuvent donc pas quitter la plantation).
La situation devient encore plus problématique lorsque les travailleurs sont migrants, voire sans papiers. Le même article cité plus haut dénonce ainsi un esclavage systématique et massif, notamment des enfants, et l’existence de zones de non-droit [2]. L’Indonesian consulate general du district de Kota Kinabalu, aurait, toujours d’après le même rapport, estimé le nombre de travailleurs illégaux à 130000, pour 200000 légaux.
Néanmoins, il reste difficile d’évaluer objectivement la situation : comme l’explique les agronomes A. Rival* et P. Levang* dans leur livre La Palme des Controverses, certaines ONG ont tendance à dresser un bilan très négatif de la situation : « Malgré le tableau sinistre dépeint par certaines ONG, le palmier à huile devait continuer à se développer dans l’ensemble de l’archipel, le plus souvent à la demande expresse des populations locales. Ainsi, à chacune de nos visites dans un village encore « épargné » par le palmier, les villageois nous enjoignaient d’intercéder auprès d’une compagnie d’huile de palme pour l’attirer chez eux. Dans les villages déjà « touchés » par le palmier depuis quelques années, le visiteur était frappé par la proportion élevée de maisons en dur aux vitres teintées, aux colonnades et chapiteaux corinthiens en béton, par le nombre de motocyclettes et de voitures, et par les nombreuses boutiques de téléphones portables. Si le changement de mode de vie était flagrant, l’appauvrissement tant décrié l’était beaucoup moins. » [1]
Certaines plantations « modèles » se distinguent, notamment en respectant tous les critères CSPO* en termes de conditions de travail :
*Alain Rival : Agronome, correspondant pour la filière « Palmier à huile » au sein du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).
*Patrice Levang : Agronome et économiste, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement).
*CSPO – Certified Sustainable Palm Oil (Huile de palme certifiée durable) : label proposé par la RSPO. Parmi les critères à respecter: préservation de l’environnement, garantie de bonnes conditions de travail…
[1] RIVAL A. et LEVANG P., La Palme des Controverses – Palmier à huile et enjeux de développement (2013)
[2] Erwida Maulia, The Jakarta Post, Jakarta, RI workers, children ‘enslaved’ in Malaysia (2008)
commission says