Point de vue des ONG
« S’il est important de s’interroger sur l’impact sanitaire de la consommation d’huile de palme pour les consommateurs français, nous interpellons aussi les entreprises sur les impacts pour la santé des travailleurs. En effet, dans les plantations de palmiers à huile certifiées « durables », il est toujours possible d’utiliser un pesticide neurotoxique, le paraquat, pourtant interdit en Europe et aux Etats-Unis. L’entreprise qui commercialise ce pesticide, Syngenta, est un membre très influent de la Table ronde sur l’huile de palme durable *: lors de la dernière Assemblée générale de la RSPO en mars 2012, une motion demandant l’interdiction de l’usage de ce pesticide a ainsi été rejetée », explique Sylvain Angerand, de l’ONG Les Amis de la Terre* [1].
La problématique des pesticides est l’un des sujets préoccupant les ONG environnementalistes et humanitaires, qui se font le relai des populations locales. « On ne peut même plus pêcher car la rivière est polluée. » témoigne Daryatmo, chef du village de Tumbang Tura, dans le centre de Kalimantan, par l’entremise du journal La Gazette de Bali [2]. Les pesticides, pulvérisés deux fois par mois sur les palmiers, finissent en effet dans les rivières où les indigènes se baignent et trouvent une importante source de nourriture, le poisson.
Contre-attaque des industriels
Toutefois, les industriels se défendent de l’existence de telles pratiques polluantes : « We have stopped the use of the herbicide Paraquat in our operations since the early 2000s. Although not a banned substance, we took the initiative to stop its use due to the potentially harmful effects of paraquat on the environment and significant health and safety risks, if used inappropriately. » (Nous avons cessé d’utiliser l’herbicide Paraquat pour nos opérations au début des années 2000. Même s’il ne s’agit pas d’un produit interdit par la loi, nous avons pris l’initiative de cesser de d’utiliser le paraquat du fait de ses effets potentiellement dangereux sur l’environnement et des risques significatifs pour la santé, s’il n’est pas utilisé correctement), détaille la compagnie Sime Darby sur son site internet.
Les firmes soulignent également leurs efforts pour limiter l’impact des plantations. Ainsi, lors de la présentation d’un projet de plantations en Afrique, Herakles Farm a répondu aux inquiétudes des populations locales concernant les sources d’eau potable et la pêche. La mise en place de « tampons » entre les plantations et la rive, ainsi que les analyses régulières de l’eau permettent d’empêcher la pollution de l’eau. [3]
L’avantage du palmier à huile
De plus, selon les agronomes A. Rival* et P. Levang*, le palmier ne nécessite que 0,41kg/an.ha de pesticides, soit 0,1kg/T d’huile produite. [4] C’est 100 fois moins que le soja par exemple. Le recours au contrôle intégré des nuisibles (« Integrated Pest Management », IPM) permet de réduire encore l’utilisation des pesticides grâce à des études continues dans les domaines croisés de l’écologie, de l’agronomie, de la physique-chimie et de la biologie. La compagnie Sime Darby s’inscrit dans cette politique : « The IPM practice has not only reduced the use of chemical pesticides, but it has minimised the associated negative environmental and food-chain impacts. » (La pratique IPM n’a pas seulement réduit le recours au pesticides chimiques, mais elle a aussi diminué les impacts négatifs associés pour l’environnement et la chaîne alimentaire). [5]
*RSPO – Roundtable on Sustainable Palm Oil (Table ronde pour une huile de palme durable ) : organisme réunissant des ONG, des producteurs, des investisseurs et des consommateurs d’huile de palme. Ils cherchent à améliorer la filière et à la rendre durable, notamment grâce au label CSPO.
*Les Amis de la Terre – Friends of the Earth : ONG environnementaliste cherchant à réparer les dégâts causés par l’homme sur la nature et promouvant en particulier la participation de la société civile dans la prise de décision autour de la gestion des ressources naturelles.
*Alain Rival : Agronome, correspondant pour la filière « Palmier à huile » au sein du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).
*Patrice Levang : Agronome et économiste, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement).
[1] ANGERAND S. (Les Amis de la Terre), Huile de palme – La contre-offensive irresponsable de Nutella (2012)
[2] CASTILLA C., Les orangs-outans victimes de l’huile de palme (2009)
[3] HERAKLES FARMS, Herakles Farms Frequently Asked Questions (FAQs) by General Public (2013)
[4] RIVAL A. et LEVANG P., La Palme des Controverses – Palmier à huile et enjeux de développement (2013)
[5] SIME DARBY, website